Qui cuisinait à la maison, quand vous étiez enfant ?
Maman ! Elle m’a transmis sa passion pour le goût, la précision, les choses bien faites, même si elle cuisinait des plats très simples. A ses côtés j’ai appris à faire des sauces au vin, des œufs en meurette, des gâteaux, des crêpes, des gougères…
Yam’Tcha est ouvert depuis plus de dix ans maintenant. Comment votre cuisine a-t-elle évolué ?
Au début je mettais beaucoup plus d’aromates, je faisais plus de woks… Mais cette cuisine a fini par me lasser. Aujourd’hui il y a plus de fond, plus de technique, malheureusement ce n’est pas toujours bien vu ni compris. On m’accuse par exemple de ne plus être assez asiatique ! Pourtant, la cuisine chinoise reste très présente.
On a un poids supplémentaire sur les épaules, quand on est l’une des seules femmes étoilées en France ?
On a exactement le même poids sur les épaules et les mêmes responsabilités qu’un homme, notamment par rapport aux générations qu’on forme. Ce n’est évidemment pas simple, mais les jeunes femmes qui doutent peuvent s’appuyer sur mon expérience, celle d’une cheffe qui a trois enfants, pour se dire que ce n’est pas impossible !
Justement, qu’est-ce que ça a changé pour vous d’avoir des enfants ?
Tout. Chaque enfant a été une étape où j’ai dû aborder les choses différemment, surtout au niveau du rythme. Avec le troisième, j’ai compris qu’il était vraiment temps de déléguer, sinon ça n’allait plus être possible. Et j’ai enfin réalisé que ce n’était pas quelque chose que je ne voulais pas faire, mais plutôt quelque chose que je n’avais pas réussi à faire. J’ai donc fait un énorme effort pour expliquer aux équipes ce que j’avais en tête, et du coup, depuis, il y a un sous-chef au Yam’Tcha.
Que faudrait-il pour voir plus de femmes en cuisine ?
Qu’elles ouvrent plus sous leur nom, pour commencer. Qu’elles ne choisissent pas de travailler dans un hôtel par exemple. Pour être une cuisinière reconnue, il faut assurer le rythme, être là tout le temps et bosser dur, dur, dur. Les femmes éprouvent toujours un certain manque de reconnaissance, mais je ne suis pas sûre qu’elle soient prêtes à faire les mêmes sacrifices qu’un homme. J’en ai vu beaucoup craquer en cuisine et vouloir revenir à une vie normale, pour prendre soin d’elles. Est-on prête à accepter d’être détruite par son métier ? A sacrifier l’esthétique ? Avoir des varices, ou une sale gueule parce qu’on n’a pas dormi depuis 24 heures ? Ça vous nourrit beaucoup d’être sur le terrain, mais au quotidien, c’est très dur : être dans son restaurant, faire les achats, gérer les mecs en cuisine…
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui voudraient devenir cheffes ?
Etre bien entourée, c’est le plus important. Qu’il s’agisse des équipes, de la famille ou du couple, il faut bien s’entourer pour être solide. On ne réussit pas toute seule !